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Une saison douce / Agus, Milena (1959-....). Auteur
Livre
Edité par Liana Levi - 2021
Il pleuvait à torrents et personne, vraiment personne, n'était prêt à ouvrir sa porte, et surtout pas à ces individus. Oui, il y avait des Blancs parmi eux ? les humanitaires qui les accompagnaient ? mais ils étaient tout aussi étranges que les autres malheureux, mal fagotés et mal en point. Que venaient-ils faire, ces envahisseurs, dans notre petit village où il n'y avait plus de maire, plus d'école, où les trains ne passaient plus et où même nos enfants ne voulaient plus venir ? Nous nous demandions comment les affronter, où les abriter puisqu'il le fallait. Eux aussi, les migrants, avaient l'air déboussolés. C'était pour ce coin perdu de Sardaigne, ce petit village délaissé, qu'ils avaient traversé, au péril de leur vie, la Méditerranée ? C'était ça, l'Europe ?
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Une douce conquête...
"J'ai toujours œuvré pour la défense du beau, disait l'ingénieur. Ne le prenez pas mal, mais votre village est moche." Le dernier roman de Milena Agus, "Une Saison douce" est un joli conte à mettre dans sa valise pour l'été. Le décor : dans la Sardaigne natale de l'autrice, des habitants vivent en quasi autarcie ; les enfants partis, ne daignent plus revenir, même ou surtout, pour les traditionnels repas de Noël en famille. Le village devenu un hameau, n'a plus de Maire et la vie s'y écoule monotone et monochrome : rien ne semble pouvoir venir déranger la routine d'une population vieillissante où les naissances sont rarissimes. Pourtant au milieu de cette vie aride, il se trouve un noyau de joie composé par des femmes qui se connaissent depuis l'enfance et qui nous font pénétrer dans leur intimité, nous dévoilant par des potins rapportés, ce qui les chagrine mais aussi ce qui les fait se sentir encore vivantes dans le bonheur de se retrouver encore et toujours ensemble. Dans ce contexte un fait aussi improbable que surprenant survient, :des réfugiés accompagnés par des humanitaires vont s'installer tant bien que mal dans le village en attendant de rejoindre l'Europe ! .Assimilés immédiatement à des "envahisseurs" cet imprévu va faire bouger quelques lignes, voir imposer des camps adverses parmi les habitants qui réagissent différemment face à "l’événement". Le sujet pourrait être rapporté comme un fait anodin avec une issue prévue à l'avance, il n'en est rien. Milena Agus, avec son art consommé du récit, évite tous les écueils et si elle nous apprend des choses sur certains "envahisseurs" - tantôt indistincts, tantôt personnifiés par des surnoms - elle nous amène là où nous pensions ne pas aller. J'ai personnellement aimé ce récit court, rythmé par des petits chapitres et porté par ce "nous" - substitut du "je" - qui fait écho aux chœurs des femmes dans les tragédies grecques et cette atmosphère insulaire, au premier abord hostile - mais baignée au fond par la grâce d'une lumière douce - où les personnages semblent avoir retrouvé, un temps, le liant et le bonheur de l'espérance.
Ester bibliothécaire Échirolles - Le 12 juin 2021 à 16:17