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Les Bouchères / Demange, Sophie. Auteur
Livre
Edité par Iconoclaste (l'). Paris - 2025
A Rouen, dans ce quartier bourgeois, impossible de manquer la devanture rose des Bouchères. Depuis la rue, on peut entendre l'aiguisage des couteaux, les masses qui cognent la viande et les rires des trois femmes qui tiennent la boutique. Derrière le billot, elles arborent fièrement leurs ongles pailletés-et leurs avant-bras musclés. Mais elles seules savent ce qui les lie : une enfance estropiée, une adolescence rageuse et un secret. Lorsque plusieurs notables du quartier s'évaporent sans laisser de traces, les habitants s'affolent et la police enquête. En quelques semaines, les bouchères deviennent la cible des ragots et des menaces...
3 emprunts.
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Avis des lecteurs
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Lecture plaisir pour sujets profonds
Elles sont trois jeunes filles, belles et indépendantes, et elles ont la particularité d’être très habiles du couteau : c’est qu’elles sont bouchères ! La boucherie appartient à Anne, qui ne veut que des filles dans son équipe. Stacey est son amie de formation, elles ont passé le CAP ensemble. Et Michèle est une Guinéenne qu’elles ont recruté pour tenir la caisse et assurer la vente. La boutique est un écrin de jeunes filles en rose vichy : décoration de filles, des fleurs parsemées un peu partout, ambiance bistro où les clients papotent assis sur des sièges autour du billot installé au milieu de la pièce, partage d’apéritifs et de recettes de cuisine. La viande est exposée comme dans une galerie d’art ! Ces filles et leur commerce sont complètement atypiques, et forcément ça dérange certains ! C’est qu’il y en a des choses à leur reprocher ! - La patronne (jusque là « la petite » parmi les habitués) a complètement chamboulé la boucherie paternelle, et cela bouscule un peu trop les traditions, - trois filles sans aucun homme pour tenir le manche, on ne comprend pas bien comment ça peut fonctionner, - et en plus il y en a une qui est Noire, comment une Noire saurait-elle vendre de la bonne viande bien française, - la patronne fréquente un Arabe, ça ne se fait pas, - les filles roulent à moto, sont maquillées, ont des paillettes sur les ongles, il y en a une qui s’est même fait des mèches roses sur ses cheveux roux, - on les entend faire la fête le soir et une partie de la nuit lorsque le rideau est baissé et que la musique diffuse aux alentours. Alors forcément, lorsque des hommes du quartier, clients de la boucherie, commencent à disparaître, les esprits s’échauffent et les langues vont bon train… « Nous feraient-elles manger de la viande humaine ??? » L’histoire est plaisante, le style vif et léger, des chapitres courts et un rythme soutenu pour suivre ces trois belles dans leur travail, leurs sorties du soir ou de vacances, leurs rencontres amoureuses, leur amitié qui se raffermie de jour en jour. Leurs tourments également. Ces filles nous sont tout de suite sympathiques, on est vite en empathie avec elles. On apprend que chacune a une histoire cabossée, elles sont toutes les trois orphelines, et elles doivent vivre et composer avec leurs meurtrissures. Et sous la légèreté, on soulève le voile sur des agressions, de la maltraitance, des viols : chacune d’elle a vécu des horreurs et en garde des fragilités. Le cadre et les personnages du roman sont très bien posés, c’est ensuite que c’est un peu décevant. Parce que trop c’est trop. - Trop de meurtres, un peu trop facilement, trop vite expédiés. Ça m’a bien sûr rappelé « Mamy Luger » de Benoit Philippon. - Les trois filles sont présentées uniquement comme des victimes et les hommes quasiment tous comme d’odieux prédateurs, sans nuances et de façon un peu trop caricatural. Le sujet est sérieux, et nécessite d’être traité et dénoncé, mais il n’y a pas vraiment de subtilité ici. Quant à la fin, elle m’a vraiment énervée : c’est la facilité qui a été choisie en faisant de la fille Noire la seule coupable aux yeux de la société et de la police. En résumé, un livre original, plaisant à découvrir, agréable à lire, mais où tout semble soit noir soit blanc, alors qu’on sait que la vie n’est qu’un nuancier de gris.
SELLAMI AIDA - Le 16 décembre 2025 à 15:47